Pépites littéraires

Un homme vit paisiblement à la campagne avec sa femme Livia, son chien Pablo et le chat Lennon. Pour cet écrivain parvenu à l’aube de la vieillesse, l’essentiel n’est plus tant dans ses actions que dans sa façon d’habiter le Monde, et plus précisément dans la nécessité de l’amour. À intervalles réguliers, il reçoit la visite de son frère malheureux, éprouvé par la schizophrénie. Ici se révèlent, avec une indicible pudeur, les moments forts d’une relation fraternelle marquée par la peine, la solitude et l’inquiétude, mais sans cesse raffermie par la tendresse, la sollicitude.

À ce moment je me suis dit pour la première fois qu’il ressemblait, avec ses cheveux courts aux vifs reflets mordorés, à ce petit oiseau délicat, le roitelet, dont le dessus de la tête est éclaboussé d’une tache jaune. Oui, c’est ça : mon frère devenait peu à peu un roitelet, un oiseau fragile dont l’or et la lumière de l’esprit s’échappaient par le haut de la tête. Je me souvenais aussi que le mot roitelet désignait un roi au pouvoir très faible, voire nul, régnant sur un pays sans prestige, un pays de songes et de chimères, pourrait-on dire. 

On meurt toujours deux fois : à l’instant du dernier souffle, puis à celui où les gens qui nous aimaient, une fois la stupéfaction passée, versent leurs premières larmes.

A quoi sert l’amitié ? Peut-être à consoler le chagrin que l’amour a causé.

Mon frère ne parlait pas, mais je ne m’étonnais plus depuis longtemps de ce mutisme de façade, intérieurement mitraillé de mots. Au bout d’un temps, pourtant, et comme en réponse à mon commentaire, il a déclaré ceci : « Les gens comme toi, je veux dire les écrivains, s’émeuvent plus douloureusement que nous autres, les normaux, devant ce monde catastrophique et merveilleux, traversé de beauté, de drame, d’humour et de désolation. » C’était la deuxième fois ce jour-là que je l’entendais dire qu’il m’aimait.

Hier soir, tandis qu’il marchait à mes côtés dans la campagne, mon frère, comme devinant ma pensée, m’a dit ces choses troublantes “On dirait que Dieu, après avoir visité ma vie, en est reparti en éteignant la lumière. C’est en vain que je l’appelle et le prie d’y rétablir l’éclairage”. Puis, montrant du doigt les champs environnants : “Regarde un peu ces lucioles. Elles clignotent dans la nuit pour se reconnaître entre elles. Mais moi, je ne suis la lampe de personne.

Tu devrais écrire un livre dans lequel rien n’arrive. ” J’ai trouvé l’idée d’autant plus séduisante que j’ai sous la main, avec ma  vie très banale, une grande quantité de matière à partir de laquelle travailler.

Oui, presque rien n’arrive dans cette histoire, mais tout y a un sens.

Ça n’est pas la vie spirituelle des gens qui fout le camp. C’est la poésie. La poésie n’est pas un genre littéraire, elle est l’expérience de la vie par l’esprit, le pressentiment aveuglant que l’existence même la plus fragile, la plus diminuée ou la plus impuissante vaut la peine qu’on s’y intéresse vraiment.

La poésie n’est pas un genre littéraire, elle est l’expérience de la vie par l’esprit, le pressentiment aveuglant que l’existence la plus fragile, la plus diminuée ou la plus impuissante vaut la peine qu’in s’y intéresse vraiment 

Je suis sûr que Dieu n’existe pas, dis-je en regardant Mercure lentement disparaitre à l’horizon. Mais il existe en moi un besoin de Dieu dont je n’arrive pas à me débarrasser. 

Des millions d’êtres vivent sans amour. Aucun sans eau. Dans ce jardin, chez toi, tu m’as appris à donner les deux.

Une île perdue en Méditerranée. Des collines, des oliveraies et, au fond d’une crique rocheuse, un village paisible avec son port minuscule. Depuis toujours, sa poignée d’habitants se tient à distance du continent… Ils racontent que de mystérieuses créatures marines veillent sur eux.
Assis sur un banc face à la mer, un vieillard se souvient. C’était l’époque de la dictature. Un jour, un jeune inconnu à l’allure de dieu grec, Benjamin, avait débarqué sur l’île.  Il était en fuite, tous s’en doutaient mais nul, jamais, ne lui a demandé de comptes. Benjamin s’est installé dans une maison en ruine, sur un promontoire isolé où bientôt le rejoint Michaëla, fille de l’île et de la mer. Mais la haine qui ravage un continent peut frapper un bout de terre qui se croit à l’abri du monde.
Une puissante histoire de résistance et d’indocilité qui est aussi un appel à l’attention envers la nature et à la force de la fraternité. L’évocation poétique et solaire d’une mythologie méditerranéenne éternelle et celle d’une mémoire chargée de chagrin. On n’oubliera pas la vision de Michaëla et Benjamin, de leur amour éperdu, fracassé par l’horreur de la dictature. 

Notre île est une miette dans la Méditerranée. Des rochers et des criques, quelques kilomètres de collines, des oliveraies à moitié abandonnées, le village blanc comme de la craie avec son petit port et ses barques. Autour, la mer à perte de vue nous protège. Nous, les pêcheurs, nous la connaissons par cœur. Les poissons qui se faufilent entre les rochers, les méduses, les murènes en embuscade, nous pouvons dire quel est le caractère de chacun de ces animaux marins car depuis toujours nous vivons avec eux.

Il y a des moments où la mer donne l’impression de vouloir communiquer avec nous et d’autres fois où elle semble comprendre exactement ce que nous attendons d’elle.

Aucun pêcheur n’a jamais pu apprivoiser une mouette, et nous ne les distinguons pas les unes des autres. Elles en savent probablement plus sur nous que nous sur elles. Moi je crois que ce sont nos dieux domestiques, elles ont pour mission de veiller sur nous. D’ailleurs dès qu’un incident se produit, elles nous préviennent de leurs hurlements.

À mon âge, je peux regarder la mer pendant des heures. Seulement si le temps le permet, car en hiver elle peut être terrible. Dans ces cas-là, il est dangereux de s’aventurer sur la digue, les vagues semblent vouloir avaler le village et le vent donne l’impression d’avoir un problème personnel avec nous, comme s’il avait décidé de nous anéantir. Il paraît capable de soulever l’île de la surface de la mer pour l’envoyer au bout de l’horizon.

Chaque matin qui se levait était un matin gagné sur la dictature et chaque soir nous pouvions tous entendre la mer respirer de soulagement de nous savoir toujours là, sur l’île, au complet.

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3 réponses

  1. Mip dit :

    Ce livre a l air très beau et profond!!! Merci pour ces découvertes…
    Bonne journée.

  2. Pereira dit :

    Bonjour, très envie de lire le Roitelet. En revanche faire la promotion d’Amazon quand on connait ce qu’ils sont…. c’est dommage.Il y a tellement de merveilleuses librairies où s’approvisionner.
    Bonne journée.

    • Sakartonn dit :

      C’est sûr. Mais quand vous êtes immobilisée ou que vous n’avez aucune librairie proche de chez vous, cela vous rend bien service.

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